Au Restaurant Guy Savoy*, l’expérience commence sur le chemin qui mène au restaurant : en partant à pied de la Samaritaine, par exemple, il faut traverser la Seine en empruntant le Pont Neuf. À la faveur de l’automne mûrissant, Paris se déploie comme un tableau : à gauche, l’Île de la Cité et la flèche gothique de la Sainte-Chapelle ; à droite, le Pont des Arts et les péniches qui voguent vers la place de la Concorde.

Et puis, en flânant sur le quai de Conti et ses boîtes vertes de bouquinistes, on atterrit devant la magnifique façade de l’Hôtel de la Monnaie à fenêtres en pierre taillée, hautes voûtes et colonnes doriques. C’est par l’aile principale de ce chef-d’œuvre architectural du 18ème siècle, qui abrite le musée de la Monnaie de Paris, que l’on accède à la table triplement étoilée de Guy Savoy.

En haut du grand escalier, six salons en enfilade offrent une vue imprenable sur la Seine. Pour qui vient dîner ici, la beauté de ce court trajet peut faire office de mise en bouche. Le premier à s’extasier devant cet itinéraire si majestueux, c’est Guy Savoy lui-même : « Des vues spectaculaires sur la planète, il y en a beaucoup, mais celle-ci est unique. On est transportés dans le Paris historique, le Paris éternel – parce que tout ce que l’on voit depuis les fenêtres ne bougera jamais. Cette singularité me touche. »

La longue histoire d’amour entre l’Hôtel de la Monnaie et le chef aux trois étoiles Michelin commence en 2009. À l’époque, La Monnaie de Paris vient de lancer un appel à projets pour transformer toute une aile du bâtiment – anciennement occupée par les bureaux de son directeur – en restaurant gastronomique. Le chef se rappelle avec émotion de la visite des lieux qui le persuada de déposer un dossier : « Au fur et à mesure que j’avançais dans cette succession de pièces, je voyais déjà le restaurant de mes rêves se dessiner dans ma tête. Le coup de foudre a été réel : j’ai tout de suite eu le sentiment d’habiter ce lieu, de l’avoir dans la peau. »

En sortant, il se fait la promesse de transférer ici la vision qu’il porte depuis plus de vingt ans dans son restaurant de la rue Troyon (17ème). En mai 2010, le résultat tombe : c’est la proposition de Guy Savoy qui est retenue.

Pour aménager son nouveau terrain de jeu, qu’il inaugure en 2015 à la suite d’un chantier titanesque, Guy Savoy fait appel à un ami de longue date, l’architecte Jean-Michel Wilmotte : « Il a eu l’idée de construire le lieu comme un antre : on s’engouffre dans le restaurant par un couloir très sombre et dès que l’on arrive dans les salons, la lumière jaillit et l’attention se porte immédiatement sur les tables dressées et les différents éléments du décor ». Ensemble, ils font le choix d’organiser l’expérience à table autour de différents salons qui préservent la configuration initiale du site tout en proposant divers espaces singuliers.

Outre la vue somptueuse et le caractère patrimonial des lieux, c’est la profusion des éléments de décoration qui porte le restaurant Guy Savoy dans une autre dimension. « J’ai toujours attaché beaucoup d’importance à la construction esthétique d’un lieu, aux œuvres que j’accroche aux murs ou aux sculptures qui habillent une pièce », confie le maître des lieux. Peu avant l’ouverture, en pleine réflexion sur la décoration, Guy Savoy est contacté par François Pinault. Pour animer l’espace, le célèbre homme d’affaires lui propose de mettre à disposition une partie de sa collection pléthorique : « Je ne pouvais pas rêver de meilleure collaboration au moment où je prenais mes marques dans cet endroit unique. » Un nouveau chantier s’ouvre alors : celui de la curation des œuvres qui entrent en résonance avec les salles où elles sont exposées.

Au fil des ans, le restaurant de Guy Savoy prend une dimension muséale qui ajoute un vrai supplément d’âme à l’expérience de table. Parmi les œuvres les plus marquantes, on peut citer « Et tu, Duchamp ? », un buste en bronze noir magistral de Subodh Gupta qui représente une Joconde à moustache ; « La marche de l’onde », une peinture de Fabienne Verdier, comme l’image d’une vague spontanée ; « Autoportrait à la cigarette », un diptyque photographique de Pierre et Gilles, délicieusement subversif ; ou encore des pièces d’artistes contemporains de renommée internationale tels que Tatiana Trouvé, Bertrand Lavier, Hiroshi Sugimoto ou Adel Abdessemed.

Lorsque nous visitons les lieux, par une belle journée de septembre, Guy Savoy sert quelques plats de très bon aloi dans les assiettes « Sourire » de Virginia Mo, créées spécialement pour le restaurant de la Monnaie. Le menu « Couleurs, textures et saveurs » du chef se déroule en 13 services. Il se compose ces jours-ci des dernières tomates de la saison, de homard, de différentes pièces de veau et d’une composition sucrée à base de framboise, de groseille et d’un thé Sakura millésimé.

On lui demande si la beauté du lieu qui l’entoure influence sa cuisine : « Le cadre me procure une liberté, une impulsion, une inspiration prolifique. Une maison se doit d’avoir une âme, un environnement, un cadre. L'assiette est le point d'orgue – mais c'est bel et bien la mise en scène qui fait absolument tout. ». La cuisine serait-elle donc un artisanat total ?

Léo Bourdin

Restaurant Guy Savoy

Ouvert du mardi au vendredi, au déjeuner et au dîner ; le samedi, au dîner

Monnaie de Paris

11, quai de Conti

75006 Paris

+33 (0)1 43 80 40 61

https://www.guysavoy.com

Crédit photo : Olivier Toggwiler

* Restaurant Guy Savoy est partenaire d’American Express et membre de la Dining Collection. L’ambition de ce programme : faciliter l’accès aux meilleurs restaurants contemporains au travers de tables exclusivement pré-réservées à l’attention des porteurs de Cartes Premium American Express.