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IMMERSION
L'été sera chaud-froid
au Salon des
Manufactures Alain Ducasse
Juin 2022
IMMERSION
L'été sera chaud-froid au Salon des Manufactures Alain Ducasse
C’est une alliance culinaire inédite. A notre connaissance, elle n’existe dans aucun livre de cuisine : au Salon des Manufactures Alain Ducasse, le chef Alessandro Lucassino initie ses convives à des accords mets et glaces fascinants. Le temps d’un déjeuner, nous avons vécu une expérience rare, entre le froid et le chaud, le sucré et le salé, le réconfortant et l’inattendu.
Il est bientôt l’heure du déjeuner au Salon des Manufactures, rue des Petits Champs, à quelques pas du Palais Royal et de la Place des Victoires. Au rez-de-chaussée, quelques clients déambulent entre les rayonnages de la boutique, chargés de produits d’excellence des différentes manufactures parisiennes d’Alain Ducasse : cafés de spécialité, créations de chocolat uniques, de la fève à la tablette, glaces artisanales fraîchement turbinées et, depuis peu, biscuits et sablés. À l’étage, dans une salle feutrée, pensée comme un espace à mi-chemin entre le restaurant et le salon de thé, les couverts sont en train d’être dressés. Partout sur les tables et les murs, le soleil se reflète par petites touches hypnotisantes sur les éléments de décoration : assiettes, moules à pâtisserie et verres à cocktail d’époque, tous issus de la collection personnelle de Monsieur Ducasse. Derrière le passe qui ouvre sur une petite cuisine de poche (à peine 20 mètres carrés), on devine la silhouette longiligne et élégante d’Alessandro Lucassino. C’est à ce jeune chef de 31 ans, natif d’un petit village côtier de Toscane, qu’Alain Ducasse a confié les clés de sa nouvelle adresse, ouverte en décembre dernier.
« Au sein de ses Manufactures, Alain Ducasse entend partir de produits simples et bruts pour donner naissance à des créations artisanales uniques. La tâche qu’il m’a confiée est d’allier des savoir-faire de cuisinier et de glacier. Côté cuisine, je m’inscris dans la droite ligne de la Naturalité du Groupe Alain Ducasse : une cuisine de l’essentiel, qui sublime les produits dans le respect des saisons, au plus proche des goûts », explique celui qui est passé par les cuisines du Jules Verne et du Plaza Athénée avant de prendre les rênes du Salon des Manufactures. « Mettre en place un accord mets et glaces était un challenge excitant pour moi, parce que l’expérience est assez inédite. L’enjeu était de proposer une nouvelle expérience en invitant la glace dans des plats salés ; c’est un nouveau champ d’études passionnant qui s’ouvre à la fois pour les convives et le cuisinier ».
Quelques mois avant l’ouverture du restaurant, pour préparer sa carte, Alessandro goûte à tous les parfums de glaces et de sorbets élaborés par Matteo Casone, le « gelatiere » (ou « Maître glacier ») de la Manufacture de glace Alain Ducasse. « On a beaucoup de plaisir à travailler et à échanger ensemble au quotidien », se réjouit le chef. Selon Alessandro, il y a plusieurs façons de trouver des associations entre une glace et un plat. À la manière d’un sommelier, il peut prendre comme point de départ un produit de saison ou les différents marqueurs aromatiques d’un plat et s’attacher ensuite à leur trouver, en miroir, des équivalents glacés. L’exercice opposé consiste à isoler les saveurs d’un parfum de glace ou de sorbet et de s’en servir pour élaborer un plat qui s’articule autour de cette même trame. Parfois, les inspirations d’Alessandro Lucassino donnent naissance à la création d’un parfum éphémère : cet hiver, une glace à la menthe fraîche a par exemple été spécialement conçue pour venir accompagner une recette de sardines et concombres d’inspiration japonaise, servie avec un bouillon dashi.
Il est maintenant 12h30 et au-dessus de son plan de travail, Alessandro Lucassino s’affaire à la préparation d’un plat à base d’asperges vertes, de piment doux, de pistache et de wakame qu’il fait entrer en résonance avec un sorbet aux algues. Au Salon des Manufactures, les glaces sont toujours dressées dans une petite coupelle à part. « Je voulais aller au-delà de la simple quenelle de glace posée dans un coin de l’assiette, explique Alessandro. J’aime bien cette idée que les saveurs et les textures se mélangent dans la bouche plutôt que dans l’assiette. Le plat se suffit à lui-même si on le déguste tel quel, mais quand on prend une cuillère de glace en bouche, il se passe autre chose… C’est une expérience ludique : le convive joue à faire des aller-retours entre la glace et l’assiette. C’est important aussi de s’amuser lorsque l’on mange. » En bouche, ce qui surprend le plus, c’est ce décalage de température entre la tiédeur des asperges et la fraîcheur du sorbet. « La température de service idéale est située à -14°C, précise le chef. On malaxe légèrement les glaces avant de les servir. Cela nous permet de jouer sur leur texture : on les rend plus souples, plus homogènes ».
Vient ensuite un ceviche de daurade accompagné d’un sorbet pomme verte, basilic et citron vert. Le poisson est travaillé en lamelles à peine passées au chalumeau qui exhalent des notes fumées. La puissance de la marinade du ceviche – une « leche de tigre » maison composée de lait de coco, de pomme verte, de citron vert et d’un guacamole d’avocat au pesto de basilic – est parfaitement contrebalancée par l’acidité piquante du sorbet, qui joue ici le rôle d’un véritable condiment. « La dégustation du sorbet permet d’atténuer le côté fumé du ceviche. C’est ce qui apporte un petit coup de punch et permet d’élever les saveurs à un autre niveau. », analyse Alessandro. Un jeu d’osmose qui prolonge les arômes en bouche et révèle une nouvelle profondeur gustative.
Le déjeuner se poursuivra, ce jour-là, autour de deux accords sucrés. En premier lieu, un dessert tout chocolat, à la découverte de l’un des meilleurs crus de la Manufacture de chocolat Alain Ducasse : le Pérou 75%. D’un côté, nous est servi un soufflé aérien garni d’une ganache coulante ; de l’autre, une glace au parfum profond et entêtant de cacao. Dans un second temps, se présente à nous une glace au yaourt fermenté, dont le goût neutre et légèrement acidulé vient servir la cause d’une étonnante rhubarbe infusée et pochée dans une infusion à l’eau de rose et à l’hibiscus. En repensant à l’expérience vécue, quelques jours plus tard, en pleine chaleur caniculaire, on n’aura qu’une envie : passer tout son été en compagnie de ces accords soufflant le chaud et le froid. . .
Léo Bourdin
Le Salon des Manufactures Alain Ducasse
Ouvert du mercredi au dimanche, pour le déjeuner et le goûter. Le dimanche : brunch
11, rue des Petits Champs
75001 Paris
(+)33 (0)1 55 35 02 16
https://www.lechocolat-alainducasse.com/fr/le-salon-des-manufactures
Crédit photo : Olivier Toggwiler