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IMMERSION

 

 

Pétrelle :

accord ouvert 

 

Février 2022

 

Elmer

IMMERSION

 

Pétrelle : accord ouvert

 

 

En cuisine comme en amour, il existe des rencontres qui relèvent parfois d’une certaine évidence. Chez Pétrelle*, petit restaurant situé non loin du Sacré Coeur, nous avons été les témoins privilégiés d’une idylle naissante entre assiettes et flacons. Plongée dans le processus créatif de Lucie Boursier-Mougenot et Luca Danti, un couple passé maître dans l’art des accords mets et vins.  

Chef à Quinsou
Pétrelle
Pétrelle

C’est une après-midi qui ressemble à beaucoup d’autres chez Pétrelle. A travers les grandes fenêtres, on aperçoit l’éclat de quatre grands lustres vintage, en verre de Murano. Ils diffusent une lumière tamisée qui invite à la curiosité. Derrière la porte, l’ambiance est calme et studieuse. Les hôtes des lieux préparent le service du soir : un menu dégustation en 4 temps, dont la composition change chaque semaine – avec accord mets et vins en option. La silhouette longue de Luca apparaît derrière le bar. Il est au téléphone avec un fournisseur et griffonne sur un carnet de commandes au stylo noir. Au hasard d’une ligne de fuite, dans l’encastrement d’un mur au fond de la salle, on aperçoit Lucie qui s’affaire en cuisine. Elle peaufine sa mise en place, va et vient entre le four et le piano. Par intermittences, son poignet s’agite au-dessus de trois petites casseroles couvant de savantes sauces dont elle seule a le secret.

Petrelle
Petrelle

De temps en temps, Luca fait de brèves apparitions derrière le passe. Une manière pour le sommelier, de prendre le pouls des préparations en cours. Lucie lui tend une cuillère, une fourchette. Ensemble, ils goûtent ; ils échangent. Luca évoque un vin qui pourrait se marier avec ce mets, Lucie acquiesce : l’harmonie opère. Cette façon instinctive de se comprendre et de s’accorder sur le liquide et le solide, voilà la base de leur complicité. Cette belle complémentarité fut d’ailleurs le point de départ de leur histoire. “On s’est rencontré au milieu des années 2010, rembobine Lucie. On avait la vingtaine et on travaillait tous les deux aux Caves Legrand, l’une des plus anciennes caves à vin de Paris (NDLR : Galerie Vivienne, dans le 2ème arrondissement). Luca était apprenti sommelier et conseillait les clients, et moi j’étais seule aux commandes du Comptoir, le petit restaurant attenant”.

 

Ce n’était pas leur première expérience, mais ils estiment qu’ils sont entrés en gastronomie “ensemble”. Aux caves Legrand, Luca goûte beaucoup, se lie d’amitié avec certains vignerons et perfectionne sa connaissance des vins. Pendant ce temps, en cuisine, Lucie fourbit ses couteaux, affine son style, se passionne pour les produits, les agrumes et les sauces. L’aventure Legrand dure 5 ans. Elle fait naître en eux des sentiments et la conviction de vouloir ouvrir leur propre affaire, en duo.

 

À peine le temps de se projeter, qu’on les met sur la piste de Jean-Luc André, un chef qui cherche à céder son restaurant. “On découvre un lieu incroyable à la déco baroque, un peu caché, aux allures de cabinet de curiosité. Le restaurant, qui s’appelait déjà Pétrelle, était fréquenté par une clientèle prestigieuse : des présidents, Madonna, Mick Jagger ou encore Tom Hanks (sourire). Ce que l’on a senti en réalité, c’est que ce restaurant avait une âme. On a tout de suite accroché !”. Rapidement, l’affaire est signée. Après un long chantier de cinq mois, les travaux sont terminés : le nouveau Pétrelle de Lucie et Luca ouvre ses portes le 2 septembre 2020.

Petrelle
Petrelle

Dans sa cuisine, Lucie termine de dresser deux entrées inédites pour le menu dégustation du soir. Des créations en phase avec les derniers arrivages de produits de saison : dans une assiette rosée, elle allonge une endive confite, bien caramélisée, accompagnée de langues d’oursin et d’un beurre blanc infusé à l’orange sanguine. Quelques rondelles de kumquat cru viennent illuminer le plat. Et dans une assiette blanche cerclée de bleu, elle dépose des ravioles végétales de céleri-rave, quelques lamelles fines de champignons de Paris, et une sauce nappante à base de cacahuète et de gingembre.

 

Comme le veut le rituel, Luca et Lucie analysent alors les goûts et les textures des plats comme ils le feraient en dégustant un verre de vin. “Le point de départ, pour trouver un accord, c’est de pouvoir piocher dans une carte des vins qui soit en cohérence avec l’approche qualitative que l’on s’impose en cuisine, explique Luca. Cela commence par les matières premières. Lucie accorde une grande importance au sourcing des produits qu’elle utilise, il en va de même pour notre sélection de vins. On travaille uniquement avec des vignerons qui sont intransigeants sur la qualité de leurs raisins et qui s’inscrivent dans une démarche artisanale, sur des domaines à taille humaine”. Le couple poursuit sa dégustation. Chaque bouchée entraîne un moment de silence et de réflexion, suivi d’une brève conversation.Les sauces et les jus sont au cœur de la structure de mes plats, précise Lucie. Ce sont elles qui vont guider les accords : pour moi, le rôle de la gorgée de vin, consiste à résonner avec les marqueurs de la sauce et à apporter du liant”.

 

Inspiré, Luca remonte deux bouteilles de la cave. Avec l’endive confite, il verse un verre “La Macération, n°19” du Domaine Le Soula (NDLR : situé à Calce, dans le Roussillon), un assemblage de deux cépages blancs : le Vermentino et le Macabeu. Le nectar ambré répond à la couleur orangée de la sauce. Luca hume et goûte le vin attentivement. “Dans le plat de Lucie, développe-t-il, il y a trois curseurs aromatiques bien poussés : l’amertume de l’endive, la salinité de l’oursin, et l’acidité délicate du beurre blanc. On retrouve ces marqueurs dans ce vin orange de Gérard Gauby. Car en macérant avec la peau des raisins pendant une dizaine de jours, le vin a pris une couleur orange et s’est chargé de tanins. Ils donnent une petite astringence en bouche qui contrebalance bien l’amertume douce de l’endive. L’acidité du beurre blanc est rappelée par ces cépages d’altitude tout en fraîcheur. En plus, les vignes du domaine sont près de la mer, ce qui lui confère des nuances iodées en écho à l’oursin”.

Petrelle
Pétrelle

Avec les ravioles de céleri-rave, il verse un verre de Savagnin 2016, cuvée “Les Écrins”, issue du Domaine de la Borde, situé dans le Jura, à Arbois Pupillin. La robe est d’un jaune profond, presque dorée. “Sur ce plat, qui contient du gingembre, il fallait un vin de caractère, capable de tenir la distance, enchaîne Luca. Ce vin blanc a été élevé en fût pendant 4 ans, dont deux ans sous voile. Cette technique de vieillissement, typique dans le Jura, permet d’obtenir des notes oxydatives : au nez, cela rappelle le curry et la noix. Il y a ici de vrais écarts entre les différentes forces aromatiques du plat : le céleri-rave, le gingembre, la cacahuète. C’est une invitation au va-et-vient entre le mets et le vin”.

Plat Pétrelle
Pétrelle

Ce soir, comme tous les soirs chez Pétrelle, Lucie sera en cuisine, Luca sera en salle. Ensemble, ils raconteront leur histoire commune : celle de la douce alchimie de la rencontre.

 

Léo Bourdin

 

Pétrelle

Ouvert du mercredi au vendredi, dîner ; samedi et dimanche, déjeuner et dîner

34, rue de Pétrelle

75009 Paris

(+)33 (0)1 42 82 11 02

http://petrelle.fr

 

Crédit photo : Olivier Toggwiler

* Pétrelle est partenaire d’American Express et membre de la Dining Collection. L’ambition de ce programme : faciliter l’accès aux meilleurs restaurants contemporains au travers de tables exclusivement pré-réservées à l’attention des porteurs de Cartes Premium American Express.