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IMMERSION

 

 

Mallory Gabsi,

vu du passe

 

 

Mai 2022

 

Mallory Gabsi

IMMERSION

 

 

Mallory Gabsi, vu du passe

 

C’est l’un des chefs belges les plus talentueux de sa génération. Mallory Gabsi s’est formé à l’excellence dans les cuisines étoilées du plat pays, au Sea Grill, à Bruxelles, puis chez Hertog Jan at Botanic, à Anvers. Avant un passage remarqué dans l’émission Top Chef, en 2020, où il s’est hissé jusqu’en demi-finale. Désormais installé dans son propre restaurant*, à quelques pas de l’Arc de Triomphe, il compose une cuisine ludique et raffinée qui s’articule, le temps d’un menu dégustation, autour d’une succession de créations originales. La meilleure place ? La table d’hôtes du chef, dressée en face de ses cuisines ouvertes. Ainsi installés aux premières loges, nous avons assisté au ballet des cuisiniers qui s’affairent aux fourneaux. Voici le compte-rendu détaillé de 2 heures de repas, vu du passe-plat.

Mallory Gabsi
Mallory Gabsi
Mallory Gabsi

« Soyez les bienvenus chez moi ! », nous lance Mallory Gabsi, tout sourire, alors que nous pénétrons dans l’enceinte de son restaurant du 28, rue des Acacias. Le lieu combine matières brutes, bois laqué et charme rétro des années 1970, dégageant une impression générale de réconfort. Elle est l’œuvre de l’architecte Arnaud Behzadi qui a dessiné une salle en “L”, divisée en trois espaces distincts. Au fond, dans l’angle, une alcôve enveloppée de rideaux en feutrine ouvre sur une table intimiste. Juste en face, une dizaine de couverts se déploient autour de deux piliers en laiton vert-de-gris. À proximité de l’entrée, face aux cuisines, une longue banquette accueillante épouse les murs et les contours de deux grandes tables d’hôtes en marbre. C’est ici que nous allons déjeuner.

 

Quelques minutes avant le coup d’envoi du service, Mallory prend un moment pour faire le point avec les membres de son équipe. Helmut Lewin, son second, est un technicien hors-pair, nous confie le chef : « C’est mon aide, mon moteur ». Thibault Van Outryve, son « maître des cuissons », complète le trio 100% belge. Avec eux, Mallory a développé une vraie complicité : « On se suit tous les trois depuis de nombreuses années. On est devenu des amis très proches. Il suffit d’un regard ou d’un geste pour que l’on se comprenne pendant le service. » Côté salle, Patrick Faust, le directeur de salle et Andrea Harel, le sommelier, impriment le tempo du service, tout en fluidité.

 

Il est bientôt midi et les premiers clients prennent place aux quatre coins du restaurant. Les cuisiniers ajustent leurs tabliers en cuir marron. Depuis la banquette sur laquelle nous avons pris place, quelques mètres seulement nous séparent d’eux. L’excitation monte à mesure que l’on observe chacun prendre calmement sa place, affûter un couteau ou saisir une cuillère pour rectifier l’assaisonnement d’une sauce.

Mallory Gabsi
Mallory Gabsi

Chez Gabsi, le menu dégustation complet, comprenant l’accord mets et vins, s’appelle « Léon » – en hommage au grand-père du chef. C’est un voyage en six séquences à la découverte des quatre saveurs cardinales. « Les premières assiettes quittent le passe ! », s’exclame Mallory comme l’on frapperait les trois coups au théâtre. Les amuse-bouches nous sont servis : d’un côté, un petit coussin croustillant, fourré à la scamorza fumée et au pesto de pistache ; de l’autre, un tube de feuille de brick garni de crème aigre, de haddock fumé, de citron caviar et d’éclats de Peta Zeta – ces petits bonbons crépitants, très populaires dans les années 2000.

 

Sur le comptoir en zinc des cuisines, Mallory verse une sauce couleur vert forêt dans de grandes assiettes creuses. Entre ses pinces de chef, il s’empare d’un joli tronçon de poisson fumé et d’un coup de pinceau, le laque à la bière. Puis le coiffe de cerfeuil, de mélisse et de ciboulette. « Voici l’anguille au vert, un classique du plat pays et l’une des assiettes préférées du chef », nous explique Patrick Faust. Chaque bouchée nous fait l’effet d’une gourmandise qui fond sous la langue. Andrea Harel nous sert un verre de Gueuze de chez Cantillon, une bière belge typique, qui vient révéler les notes amères et acides du plat.

Mallory Gabsi
Mallory Gabsi

Au même moment, en cuisine, Helmut Lewin et Thomas Van Outryve sont en train de dresser l’entrée : une pièce de saumon, au gras marbré, surmontée d’œufs de saumon marinés. Thomas dispose à ses côtés un monticule de carottes râpées et parsème l’assiette de fines rondelles de yuzu. À l’aide d’une pipette, Helmut mouille l’ensemble d’une petite vinaigrette à l’arbousier. « C’est la petite pointe d’acidité qui fait le lien entre tous les éléments », nous confie-t-il.

 

« Pour suivre, annonce Patrick Faust, une dizaine de minutes plus tard, voici une mousse de foie gras, crème de ricotta, travaillée autour de la betterave en trois façons : crue, cuite en croûte de sel et en poudre. » Cette deuxième entrée s’accompagne de noix de coco râpée, d’un gel de cerises noires et d’un condiment aux haricots noirs fermentés qui amène texture et puissance. Depuis sa tour de contrôle, dans l’encastrement des cuisines, Mallory veille discrètement sur la salle. Le jeu de miroirs qui habillent les murs lui permet de garder un œil sur les tables : « En un regard, je peux voir où en sont les gens – et lancer ou mettre en attente le plat suivant. »

Mallory Gabsi
Mallory Gabsi

Fascinés par le spectacle, nous ne voyons pas passer la première heure du repas, quand arrive un beau morceau de lieu jaune de ligne au blanc nacré, entouré de tronçons d’asperges vertes, de navets confits au beurre de piment d’Espelette et d’un crémeux au citron aérien. Un jus de lieu dense et profond, monté au beurre d’oursin, accompagne cette création, également servie avec une cuillère dans laquelle repose une langue d’oursin – un vrai coup de fouet iodé.

Mallory Gabsi

Bientôt, au-dessus du passe, la cadence s’intensifie. À gauche de l’assiette suivante, une langoustine bretonne. À droite, une belle tranche de paleron de bœuf wagyu. Entre terre et mer, Patrick Faust vient verser un jus de bœuf opaque, infusé au sapin Baumier. Andrea Harel nous sert un Corbières 2018 du Domaine de Dernacueillette à base de syrah, carignan et cinsault. Les arômes de violette séchée, poivre noir, poivre blanc répondent parfaitement au plat.

 

Nous arrivons doucement au terme de ce voyage gustatif. Nos papilles ont encore en mémoire les vagues successives de sucré, de salé, d’acide et d’umami. L’amertume surgit au détour du dessert sous la forme d’un palet à la genièvre surmonté d’une mousse au pamplemousse. Dressé sur un lit de granité au gin, le mets s’accompagne d’un cocktail à base de gin lui aussi (par la Distillerie du Petit Grain), mêlé de jus d’agrumes et d’une infusion de thé pois bleu papillon. C’est une claque astringente qui s’éternise sur le bout de la langue.

 

14h30 : l’expérience à la table d’hôtes de Mallory Gabsi touche à sa fin. Le chef enlève son tablier puis passe de table en table pour saluer chaleureusement chacun de ses convives. En cuisine, Helmut Lewin et Thomas Van Outryve, ses fidèles compagnons, nettoient le plan de travail et rangent leurs couteaux. Le rideau de la cuisine ouverte est tiré – jusqu’à la prochaine représentation.

 

Léo Bourdin

 

Restaurant Mallory Gabsi

28, rue des Acacias

75017 Paris

(+)33 (0)9 52 96 09 99

https://mallory-gabsi.com

 

Crédit photo : Olivier Toggwiler 

* Le Restaurant Mallory Gabsi est partenaire d’American Express et membre de la Dining Collection. L’ambition de ce programme : faciliter l’accès aux meilleurs restaurants contemporains au travers de tables exclusivement pré-réservées à l’attention des porteurs de Cartes Premium American Express.