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IMMERSION

Lucas Carton : Hugo Bourny fait carton plein

 

Juin 2023

Lucas Carton

IMMERSION

 

 

Lucas Carton : Hugo Bourny fait carton plein

En mangeant au Lucas Carton*, on déguste un beau morceau d’histoire culinaire. Le restaurant du 19ème siècle figure parmi les plus vénérables enseignes de la capitale : à la fois maison de grands chefs et repère de gastronomes, la célèbre adresse du 9 place de la Madeleine a su s’ériger en table de légende. Son décor n’y est pas pour rien, avec sa façade magistrale faite de moulures fleuries et son intérieur ornementé de boiseries Majorelle en style Art nouveau. Depuis bientôt deux ans, le jeune chef Hugo Bourny y propose une gastronomie de produit enracinée dans la modernité, récompensée par une étoile au Guide Michelin. Rencontre avec ce chef aussi appliqué qu’inspiré qui écrit une nouvelle page de ce restaurant hautement romanesque.

 

Lucas Carton
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Lorsque le groupe champenois Vranken-Pommery, propriétaire des lieux, contacte Hugo Bourny au printemps 2021 pour lui proposer de prendre la suite de Julien Dumas (NDLR : désormais à la tête du restaurant Bellefeuille, au Saint James Paris), le chef d’une trentaine d’années, alors en poste chez Marsan, accepte sans hésiter. « Je suis venu visiter les lieux avec des yeux d’enfants, se souvient-il. J’avais conscience que le Lucas Carton était cet emblème de la gastronomie française qui avait vu passer de nombreux chefs illustres (NDLR : dont Alain Senderens qui y met à la carte son fameux canard Apicius). J’étais à la fois très impressionné mais aussi impatient de prendre mes marques et d’installer ma propre identité. »

 

Hugo Bourny raconte puiser sa singularité dans les rencontres qu’il a faites en cuisine depuis qu’il a commencé le métier à dix-sept ans. Formé chez Johan Leclerre (La Maison des Mouettes, à Aytré), il y découvre la science des saveurs avant de poursuivre son parcours auprès de deux chefs qui le marquent profondément : « Arnaud Donckele, d’abord, auprès duquel j’ai passé plusieurs années à La Vague d’Or, dans le Var. Là-bas, j’ai appris à goûter – littéralement – et j’ai compris qu’une assiette, c’était bien plus que la somme d’une technique, d’un assemblage et d’une intention. Et puis Anne-Sophie Pic, pour qui j’ai travaillé pendant dix ans, à Valence, qui a aussi beaucoup compté : auprès d’elle, j’ai pris conscience du pouvoir de création en cuisine et je me suis intéressé à un nouveau monde de possibilités grâce aux épices, aux baies, aux fleurs… ».

Lucas Carton
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En prenant les commandes du Lucas Carton, le cuisinier franchit une nouvelle étape. Après avoir longtemps œuvré dans l’ombre, il est ici, pour la première fois, seul chef à bord : « Tout l’enjeu était de réussir à imposer ma patte. J’avais d’abord à cœur d’inscrire le lieu dans une dimension contemporaine. Nous avons fait appel à des artisans, des manufacturiers, des céramistes qui ont repensé tous les éléments des arts de la table en respectant la cohérence historique de la maison. »

 

Le chef s’entoure d’une équipe de confiance : Jordan Talbot, chef pâtissier, Marie-Jeanne Ramel, directrice du restaurant et Marcantonio Sassi, chef sommelier. Il active aussi un réseau de producteurs basé en Île-de-France auxquels il rend hommage par leurs prénoms, inscrits sous l’intitulé des plats. Ce sont Roland et Laurent, ses maraîchers du Val d’Oise, ou encore Fabrice, son cueilleur d’herbes sauvages : « sans eux, on ne serait pas capable de faire quoi que ce soit », précise-t-il.

 

L’impulsion créative du chef se matérialise à la carte ou dans les formules dégustation (en 4, 5 ou 7 services). L’expérience a quelque chose de contemplatif ; elle est aussi portée par la fluidité du service dont le rythme des envois monte crescendo.

Lucas Carton

 

Ce midi de printemps, les amuse-bouches témoignent de la technicité du chef : une chips de rutabaga, pliée en parapluie, couvre ainsi un surprenant gel de fleurs à base de Sakura (NDLR : le cerisier du Japon), de radis et de cresson. À proximité, au-dessus d’une pierre noire repose une tranche de maquereau fumé enveloppée dans un crackers fin comme du papier à cigarettes, au quinoa et aux graines de chia – véritable délicatesse que l’on porte aux lèvres du bout des doigts. La dernière bouchée – une tartelette de sarrasin surmontée d’une mousse crémeuse aux champignons et à la flouve odorante – procure une sensation agréable, presque évanescente.

 

S’ensuit une betterave rouge sang laquée de son jus réduit et trônant dans une sauce vermeille, éclatante comme un champ de coquelicots. « La betterave a longuement cuit au four, à l’étouffée, dans une huile de genévrier, pour aller chercher quelque chose de très confit », nous dévoile le chef.

Lucas Carton
Lucas Carton
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La seconde assiette est composée d’une langoustine bretonne trônant au milieu d’une assiette creuse. À sa droite, une bulle de peinture couleur acajou attire l’œil : en réalité, il s’agit d’une sauce épaisse et puissante à base de cynorhodon, le fruit acidulé de l’églantier. À sa gauche, pour contrebalancer la force de la sauce, le chef mise sur la douceur d’une purée de céleri rôti aux amandes, agrémentée de bourgeons et de jeunes pousses d’épicéa. Dernier couplet de ce récital en trois actes : une assiette au dressage pictural où l’on retrouve quatre belles langues d’oursin qui nous emmènent sur un terrain céréalier, proche du torréfié, grâce à un condiment bicolore à base d’orange sanguine et de yaourt infusé au Genmaicha, un thé au riz grillé japonais.

 

L’un des deux desserts du chef pâtissier est un entremets crémeux au chocolat grand cru, surmonté d’une tuile en rosace qui recouvre un sorbet et une marmelade au kalamansi, ce petit agrume proche de la mandarine venu d’Asie du Sud-Est. Quelques pétales de tagète, parsemées ici et là, viennent compléter le tableau en apportant des notes tropicales.

 

Lucas Carton
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Un repas éblouissant qui étonne et laisse songeur. Sur la pointe des pieds, en partant, on demande à Hugo Bourny de nous décrire en quelques mots ce qui fait l’essence de sa cuisine. « C’est avant tout un travail d’équipe, répond humblement le chef. On sélectionne ensemble des produits magnifiques. Toute la brigade goûte, et à partir de là, on voit vers quoi cela nous mène. Mon rôle, c’est de mettre tous ces talents en commun, - et puis de transmettre un peu de bonheur aux gens ».

 

Léo Bourdin

 

Lucas Carton

Ouvert du mardi au samedi, au déjeuner et au dîner

9, place de la Madeleine, 75008 Paris

+33 (0)1 42 65 22 90

https://www.lucascarton.com/

 

Crédit photo : Olivier Toggwiler (Bureau Tonic Studio)

 

* Au sein du restaurant Lucas Carton, les porteurs de Cartes American Express Platinum et Centurion ont accès à des tables pré-réservées,, et ce jusqu'en dernière minute.