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IMMERSION
Nicolas Floquet, l’homme en coulisses du Clown Bar
Novembre 2021
IMMERSION
Nicolas Floquet, l’homme en coulisses du Clown Bar
Entrepreneur discret mais proactif, Nicolas Floquet est à l'initiative de deux tables qui ont façonné la scène parisienne de la dernière décennie : le précurseur Saturne - qui a désormais fermé ses portes - et le mythique Clown Bar*, qu’il nous fait découvrir aujourd’hui.
Cet ingénieur de formation, cofondateur d’un cabinet de conseil en stratégie, s'était toujours promis d’investir dans “des projets du monde réel”, incarnés aujourd’hui aux Invalides dans sa galerie d’arts Mayaro ainsi qu’au Cirque d’Hiver dans l’élégant bistrot contemporain dont il est le propriétaire clairvoyant. Coup de projecteur sur ce restaurateur de l’ombre, esthète et touche-à-tout.
La naissance de Saturne : l’alignement des planètes
Au commencement était le vin : féru de bonnes bouteilles, Nicolas Floquet découvre la gastronomie d’abord par ses flacons. “Mon goût s’est formé verre à verre, en m’initiant au vin naturel, même si dans les années 1990, cette locution consacrée n’existait pas encore”. On était à ce moment-là aux balbutiements de cette révolution qui s’est jouée dans les verres des restaurants parisiens. A l’époque, c’est chez Racines où officie Pierre Jancou qu’il prend ses “premières claques” en buvant de précieux breuvages comme ceux de Jean-Marc Brignot ou d’Eric Pfifferling (Domaine l’Anglore), tous deux précurseurs des vins naturels.
C’est dans ce même établissement qu’il rencontre le cuisinier Sven Chartier et le sommelier Ewen Le Moigne, dont il admire le talent. L’entrepreneur veut apprendre à leurs côtés et propose donc au jeune duo de s’associer. “Quand on veut tenter l’aventure dans des univers qui ne sont pas les nôtres, il faut trouver des partenaires qui ont un savoir-faire que vous n’avez pas. Ce n'est pas parce que vous participez financièrement et que vous avez de bons réflexes de gestion que cela fait de vous un restaurateur ou un caviste", soutient-il.
Dont acte. Saturne voit le jour en septembre 2010 et s’impose immédiatement comme un haut-lieu de la cuisine moderne vivante. Son jeune chef de trente ans Sven Chartier reçoit même une étoile Michelin qui ne le quittera plus jusqu'à la fermeture du restaurant neuf ans plus tard. Pour Nicolas Floquet, être celui qui rend tout cela possible en coulisses est une fierté et une façon d'appréhender “sur la pointe des pieds” le fonctionnement de ce monde qui l’attire tant.
Le numéro d’équilibriste du Clown Bar
En 2013, “pas par hasard mais presque”, une connaissance leur parle du Clown Bar, dans le onzième arrondissement : un vieux bistrot qui cherche repreneur. Il ne le connaît pas et découvre “un lieu magique, un morceau d’histoire de Paris”.
Ouverte en 1902, cette ancienne cantine des artistes du Cirque d'Hiver est devenue un bistrot de quartier “à l'époque où la rue Amelot n'était pas aussi branchée qu’elle peut l'être aujourd'hui”. Nicolas Floquet nous raconte que “dans les années 1980, c'était un endroit où le Paris nocturne et décalé venait boire un verre ; il y avait même un embryon de carte des vins naturels, car le propriétaire fréquentait le Baratin, l’adresse pionnière de la bistronomie, à Belleville…”
Avec ses deux associés de Saturne, il se lance dans cette nouvelle aventure. “Sans la première adresse, la seconde n'aurait pas existé” avoue Nicolas Floquet, qui comprend en effet désormais mieux les rouages d’un restaurant et a envie de doubler la mise dans un “truc rock’n’roll”. L'originalité du Clown Bar lui plaît, comme son décor “à l'opposé de Saturne et des ambiances épurées, inspirées des restaurants nordiques”. Effectivement, le bistrot dénote avec son décor coloré de pierrots lunaires au plafond et sa frise murale de clowns de la manufacture de faïence de Sarreguemines.
“Dans ce cadre 1920, classé aux Monuments Historiques depuis 1995, nous imaginons, avec Sven et Ewen, une proposition bistronomique de haut niveau ; un endroit en décalage, pas trop policé, qui permette de vivre une expérience digne d’une table étoilée, tout en sachant que ce n’en est pas une. On a toujours voulu préserver cet entre-deux, cet ailleurs”.
Pour incarner cette vision, il embauche un chef talentueux qui marquera les esprits : Sota Atsumi [NDLR : parti, depuis, ouvrir Maison Sota]. Mais, avec le temps, le Clown Bar s’impose comme une véritable enseigne, avec son style propre, plutôt que comme l’adresse d’un chef en particulier, les clients revenant avec plaisir lorsque les cuisiniers changent. Aujourd’hui, c’est le Portugais Luis Andrade (ex-Au Passage) qui officie et “s’est magnifiquement adapté à notre esprit en y mettant sa patte”. Cette identité s’est construite depuis le début autour d’assiettes à partager hautement créatives, dont le chef propose des variations brillantes comme cette classieuse tartelette aux cèpes ou ce sublime ris de veau accompagné de carottes glacées.
Le Clown Bar 2.0 conserve son rang de bistrot de standing aux plats élégants et savoureux. Que l’on s’installe à deux à “la table des amoureux” le long de la fenêtre, ou en groupe en terrasse, l’expérience est un grand plaisir. Nicolas Floquet a quant à lui plutôt un faible pour le comptoir où il est souvent “en train de terminer de dîner avec [ses voisins] qui viennent de tous les pays du monde”.
Car à l'international, le Clown Bar est aussi populaire, notamment auprès des Japonais qui accourent pour déguster l’un des plats “signature” de l’enseigne : la cervelle de veau au ponzu. Ce chef-d'œuvre de préparation d’abats, modernisé par la fraîcheur de la vinaigrette nippone, a été créé par le chef Sota Atsumi à ses débuts. Depuis, il est devenu un classique qui ne quitte presque jamais la carte. “Les clients japonais trouvent ça si incongru qu’on ne peut pas leur retirer ce plaisir étrange, même si leurs yeux s'écarquillent à chaque fois qu'elle arrive sur la table”, sourit-il.
Tout aussi qualitative, sa cave dédiée aux vins naturels s’impose comme l’une des plus pointues de Paris, avec plus de mille références : une “vraie fierté” pour son propriétaire. Le bistrot circassien est ainsi devenu l’un des points de ralliement des professionnels de la restauration le lundi soir [NDLR : jour de fermeture de la plupart des restaurants, mais pas du Clown Bar, qui, lui, reste ouvert] : “les gens de la restauration dépensent une partie non négligeable de leurs salaire et pourboires dans les restaurants des autres, alors qu’ils ne sont pas payés comme des ministres. Ils choisissent donc minutieusement leurs adresses et ne vont que là où ils savent que ce sera bien”, nous explique-t-il.
Le Clown en tournée mondiale ?
En 2019, Ewen Le Moigne quitte l’aventure. Sven Chartier et Nicolas Floquet ne se posent pas la question. Les équipes sont en place. Un nouveau gérant, François Desroziers, entre en piste et le Clown Bar continue de faire son show. Pour Nicolas Floquet, cette adresse est “devenue un formidable vecteur de développement”. Il pense ainsi à monter un coffee-shop gourmand, “cherche activement” un lieu pour une cave à manger à Paris et ne s’interdit pas d’investir outre-Atlantique : “je caresse aussi un doux rêve new-yorkais qui mettrait à l’honneur de jeunes talents dans un endroit aussi particulier que l’est le Clown Bar”, murmure-t-il. Jamais nostalgique, ce quinquagénaire dont le “meilleur dîner au Clown Bar sera le prochain” déborde d'idées pour continuer à faire vivre son esprit alliant qualité, convivialité et un certain dandysme qui fait son charme.
Valentine Benoist et Aïtor Alfonso
Crédit photo : Puxan Photo
Le Clown Bar
Ouvert du lundi au vendredi, déjeuner et dîner
114, rue Amelot
75011 Paris
+33 (0)1 43 55 87 35
https://www.clown-bar-paris.fr
* Le Clown Bar est partenaire d’American Express et membre de la Dining Collection. L’ambition de ce programme : faciliter l’accès aux meilleurs restaurants contemporains au travers de tables exclusivement pré-réservées à l’attention des porteurs de Cartes Premium American Express.