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Chantoiseau fait son nid à Montmartre
Septembre 2023
IMMERSION
Chantoiseau fait son nid à Montmartre
Au détour de la rue Lepic, sur les pentes de Montmartre, niche le restaurant Chantoiseau*, ainsi nommé en hommage au créateur du premier restaurant moderne parisien. Cette table enthousiasmante revendique une cuisine traditionnelle française précise et bien dans son époque. Entretien avec les frères Durand, aussi talentueux que discrets, tous deux chefs et co-fondateurs de Chantoiseau.
Nicolas, Julien, vous avez grandi en Vendée. Quelle était l’importance de la cuisine durant votre enfance ?
Julien Durand : Nous avons grandi dans la petite ferme de nos grands-parents, entre le lait cru fraîchement tiré et les grandes tablées familiales. La cuisine de produits locaux et de saison a toujours fait partie de notre quotidien.
D'où vous est venue votre envie de cuisiner ?
J.D : C’est un stage dans un restaurant gastronomique de notre région qui m’a donné le déclic : la brigade répondait à mon besoin de structure et d’organisation. Nicolas Durand : Quant à moi, j’ai suivi les pas de mon aîné et fait mon apprentissage aux Tendelles, un restaurant traditionnel vendéen désormais disparu. Le couple qui dirigeait cet endroit m’a transmis sa passion de la cuisine du marché. Puis avec l’adrénaline du coup de feu ou l’ambiance d’un service, je me suis vite senti à ma place. Vous avez ensuite tous les deux travaillé à Paris.
Dites-nous-en davantage sur vos parcours respectifs.
J.D : J’ai travaillé au sein de grandes brigades, avec le chef étoilé Philippe Legendre mais aussi six ans aux côtés de Pierre Gagnaire : un cadre rigoureux qui permettait une cuisine libre, réactive et créative.
N.D : J’ai fait mes classes à l’Agapé auprès du chef japonais Toshitaka Omiya, qui m’a transmis une vraie technicité ainsi que l’art des cuissons. Puis j’ai passé cinq ans au Servan avec Tatiana Levha dont la cuisine précise et généreuse m’a ému d’emblée.
Vous êtes restés longtemps dans les mêmes maisons, pourquoi ce choix ?
J.D : Cette stabilité permet de toucher l’essence d’un chef et de sa cuisine, la réalité d’un restaurant. J’ai adoré revivre plusieurs fois la même saison à la même table, sans la survoler.
Comment est né Chantoiseau en janvier 2020 ?
J.D : Nous ne connaissions pas du tout Montmartre mais nous sommes tombés amoureux de la rue Lepic en visitant cet ancien restaurant italien. C’était le lieu idéal pour ouvrir en famille notre propre restaurant de quartier “++”, avec mon frère Nicolas et ma femme Julia Soto (NDLR : passée par Le Meurice et le George V). Côté décoration, nous voulions un endroit simple et chaleureux, sans concept ni architecte. Nous avons démarré avec des lustres chinés aux Puces, puis chacun a ajouté sa patte, comme cette bibliothèque années 60.
Comment fonctionne votre trio ?
J.D : Très simplement : la salle est le domaine de Julia. En cuisine, Nicolas s’occupe des cuissons et moi, des entrées et desserts comme en ce moment, notre gâteau au chocolat, crème glacée au café et confit d’agrumes.
Vous proposez une cuisine bistronomique, comment la définiriez-vous ?
J.D et N.D : C’est une cuisine classique de beaux produits, gourmande et de saison. Des assiettes de qualité, généreuses, sans prétention mais avec beaucoup de travail. Il n’y a qu’un seul service, pour que chacun puisse savourer à son rythme.
Où puisez-vous votre inspiration ?
J.D : Dans les classiques de la cuisine française, et des ouvrages comme L’Invention de la Cuisine. Nous ne sommes pas des cuisiniers autodidactes, la tradition est au cœur de notre métier : derrière un lièvre à la royale, un foie gras du Gers ou même de simples bulots, il y a un savoir-faire. Il faut dix ans pour faire un bon cuisinier !
N.D : J’ai voulu continuer à cuisiner les abats comme je le faisais au Servan : cervelle de veau pochée, oignons de Roscoff, coriandre et sauce jalapeño ou ris de veau aux algues du Croisic de Jean-Marie Pedron, asperges blanches et navets nouveaux sont souvent présents au sein de notre carte.
Comment imaginez-vous la carte ?
J.D et N.D : C’est le marché qui construit notre menu, mêlé aux envies de notre clientèle. Nous avons beaucoup d’habitués et aimons les consulter. Notre cuisine est instinctive, nous changeons souvent d’idée jusqu'au moment du service, ce qui demande de la flexibilité de la part de Julia !
Les produits sont rois chez vous, d’où viennent-ils ?
J.D et N.D : Nous en recevons certains en direct comme les algues du Croisic, ou les poissons et crustacés de Noirmoutier. En ce moment, nous servons les rougets de l’île d’Yeu en portefeuille grillé, asperges vertes poitrine fumée et genevoise, ou un carpaccio de daurade royale gravelax aux fines herbes et saucisse fumée. Julia a la même approche sur les vins, essentiellement naturels. Et puis tous les mardis à 2h du matin, nous prenons la direction de Rungis. Malgré notre liste de courses préétablie, nous nous enflammons devant les étals et avons souvent envie de tout acheter ! Quand l’on a accès à des produits nobles comme des ris de veau français élevés sous la mère ou des homards encore frétillants, impossible de résister !
Quel est votre plat le plus spectaculaire ?
J.D et N.D : Le homard, sans hésiter. Nous sortons le grand jeu, pour que cela soit inoubliable pour les clients : quatre à cinq assiettes successives et un vrai spectacle après la présentation du crustacé vivant à table. Ils ne se doutent jamais de ce qui les attend.
De quel ingrédient ne pouvez-vous pas vous passer ?
J.D et N.D : Du beurre demi-sel de Normandie : un vrai vecteur de goût. Il est impossible pour nous d’imaginer cuisiner sans beurre. Le gras, c’est la vie !
Valentine Benoist
Chantoiseau
Ouvert le mardi au dîner, puis du mercredi au samedi au déjeuner et au dîner
63, rue Lepic, 75018 Paris
+33 (0)1 42 51 39 95
https://www.chantoiseau-paris.fr/
Crédit photo : Olivier Toggwiler (Bureau Tonic Studio)