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IMMERSION
Florent Ciccoli :
trois salles, trois ambiances
Novembre 2021
IMMERSION
Florent Ciccoli :
trois salles, trois ambiances
Depuis dix ans, Florent Ciccoli est l’une des figures les plus inspirées et attachantes du milieu de la restauration parisienne. Petit, il se rêvait déjà en patron d’un bar imaginaire qu’il avait même esquissé dans un questionnaire de début d’année à l’école. Un croquis qui s’est révélé prémonitoire car seize ans après sa première ouverture en 2006 et treize affaires plus tard, il est devenu un véritable érudit du fonds de commerce. Parmi ces établissements, le Café du Coin, Jones et Cheval d’Or* sont des enseignes qui comptent triple dans le paysage culinaire parisien : nous avons suivi Florent Ciccoli au fil de ses affaires, le temps d’une journée.
7h45 : double expresso au café du coin
Le patron arrive sur les lieux à 7h45, “un quart d’heure avant tout le monde”, pour ouvrir le restaurant et s’adonner au rituel du petit-déjeuner. “On beurre les tartines, on fait couler le café et on en profite pour composer le menu avec l’équipe, dans un esprit collaboratif. Comme je ne cuisine qu’à cette adresse, j’y mets tout mon cœur“. Cette dimension collective a inspiré son travail depuis le début, lui qui a pris goût à la restauration en travaillant avec ses amis. “Quand on a ouvert notre premier bar ensemble [NDLR : les Caves Populaires en 2006], on n’était pas moins de 11 associés !”. Cette bande de restaurateurs en série dite des Pères Populaires, du nom de leur premier resto lancé en 2007, a mis sur pied la bagatelle de 13 lieux depuis, entre bars, restaurants, salle de concert et même un disquaire. Autant de projets vertueux, conçus avec la bonté et la douceur qui se dégagent de Florent Ciccoli. “Pour moi, l’épanouissement des clients et des salariés va de pair. Il faut que chacun soit heureux dans un local pour qu’un bar ou un restaurant devienne un vrai lieu de vie !”, affirme-t-il.
C’est l’esprit du Café du Coin : “un café de quartier où l’accueil est primordial, ouvert du matin au soir, bienveillant à tous les moments et à tous les étages ; un lieu qui sert une cuisine sincère”, confie-t-il. La spontanéité est une marque de fabrique de la formule déjeuner du chef Ciccoli. “Ma façon de cuisiner est très instinctive : je remplis mon frigo de produits de saison et je m’adapte. Je fais dans le zéro gaspi, zéro déchet. J’ai remarqué que quand je réfléchissais trop aux menus, ça donnait des choses un peu plates et stéréotypées, qui manquaient d’allant. Je respecte complètement les chefs qui font des dessins pendant trois mois dans leur carnet avant de créer leur menu mais ce n’est pas ma façon de faire !”. Cette cuisine de saison, nette et franche, c’est ce que les gens viennent chercher au Café du Coin.
12h30 : une formule aux plats cultes
“Un plat fétiche du Café du Coin ? Je dirais la caillette, que l’on décline avec des salicornes, des blettes ou des épinards, et divers jus, en fonction des arrivages”. Et puis, l’autre plat phare du lieu, c’est la pizzette, cette pizza miniature qui est devenue un objet iconique de la pop culture culinaire à Paris. “Je n’aurais jamais pensé que ça aurait un tel succès ! L’idée est née d’une série de contraintes : je voulais me dégager du temps le soir pour profiter de mon fils ; je voulais aussi améliorer mon offre de grignotage de qualité, car le soir, le Café du Coin est un bar où l’on picore des mets de comptoir bien faits. Et puis dernière chose, je voulais en finir avec la frustration de devoir choisir à la pizzeria : avec ce format réduit, on peut en commander trois ou quatre, les partager et goûter à tout !”, s’amuse-t-il.
Le génie de la pizzette, c’est aussi qu’elle est déclinable à l’envi. D’ailleurs, en plus des classiques tomate-mozzarella ou jambon-fromage, Florent Ciccoli a déjà préparé des pizzettes aux moules, des flammekuechettes, d’autres enfin à la harissa, à la truffe… et même au caviar !
En buvant un café à la fin du repas, le patron insiste sur le fait que tout le monde est le bienvenu à toute heure dans son café à multiples facettes : le matin en solitaire pour un café et une pâtisserie, au déjeuner avec un collègue autour d’une formule de grande qualité, le soir entre copains pour partager une kyrielle de petites assiettes. Des temps forts de la journée à savourer à table ou au comptoir selon l’envie.
15h : passage à Jones, caverne du bien-manger
“Avec mon vélo-porteur électrique, je mets à peu près une minute pour aller du Café du Coin à Jones. J’arrive là-bas vers 15h, j’y passe juste une tête car j’ai toute confiance dans mon équipe sur place, je les laisse très libres : ils connaissent mieux les lieux que moi.” Longtemps, cette caverne du bien-manger toute de brique, de verre et de métal, a eu un tropisme anglo-saxon. A l’ouverture en 2013, le restaurant s’appelait Bones et c’est le chef James Henry qui a fait décoller sa notoriété. “James est un génie de la cuisine qui sait trouver l’adéquation du geste et du produit. Avec lui, on a pensé ce resto comme un lieu où tout est brut mais très léché à la fois, sur les murs comme dans l’assiette. Malgré le départ de James et le changement de nom [NDLR : de Bones à Jones] en 2016, on a gardé cet esprit et je me suis lancé en cuisine à ce moment-là, sans formation, en appliquant simplement de manière empirique ce que j’avais vu faire… Que de progrès j’ai réalisés depuis (sourires) ! Côté cave aussi on a une exigence élevée et nos vins naturels ne sont pas ceux que l’on voit partout”, confie-t-il.
Si le Café du Coin est son adresse diurne, solaire et lumineuse, Jones est son enseigne nocturne et feutrée. Après huit années de chefs anglo-saxons, de cochons de laits rôtis entiers, de pies à la pintade ou de saucisses faites maison au labo, à l’étage du restaurant, Florent souhaite insuffler une nouvelle identité à Jones. “Dès janvier prochain, c’est le cuisinier italien Ricardo Ferrante qui s’installera aux fourneaux : on va prendre un virage plus méditerranéen et moins britannique. On va notamment proposer l’aperitivo à l’italienne : à 19h, on posera des assiettes en libre-service sur le comptoir, des petites fritures, des encas, et on fera de bons prix sur les bouteilles. Ça va être joyeux et festif”, se réjouit-il.
19h : arrivée chez Cheval d’Or, restaurant panasiatique moderne
“Vers 19h, je grimpe en haut de Belleville et j’arrive au Cheval d’Or, rue de la Villette, la plus belle rue de Jourdain, ce quartier qui ressemble à un village. Mon rituel sur place consiste à manger un morceau avec mon fils et ma femme, à goûter un ramen ou un nouveau poisson cru à la carte. Je découvre la carte au même moment que les clients car je ne cuisine ni ici, ni à Jones : l’équipe internationale est très autonome”.
Dès l’entrée, le lieu est une réussite architecturale. Cheval d’Or explore diverses cuisines d’Asie derrière la façade intacte d’un ancien resto chinois de quartier. “Du moderne dans de l’ancien, c’est ce qu’on a voulu faire de ce lieu avec le chef japonais Taku Sekine. Il rêvait d’une table surprenante, une cantine où l’on servirait une cuisine de melting pot comme à Hong-Kong, avec de très bons produits. ” Au menu, on trouve les sukune, ces brochettes de poulet haché à tremper dans la sauce teriyaki agrémentée d’un œuf. Il y a aussi les nouilles au cochon, servies dans un mélange de bolognaise et de carbonara à la sauce asiatique : un plat régressif et régalant, porté par une précision culinaire redoutable, dont les clients raffolent.
Une clientèle variée, venue à la fois du bout du monde et du coin de la rue : “les touristes affluaient avant la pandémie car le restaurant a sa notoriété à l’étranger et sur Instagram ; mais depuis la réouverture, ce sont les gens du quartier qui sont majoritaires. Il y a d’ailleurs des habitants de l’immeuble qui descendent manger régulièrement. Cette diversité est très précieuse pour nous !”.
Avec ses quatre prix au palmarès du guide Fooding, sa réputation dans le milieu n’est plus à faire. “Ce sont des récompenses collectives, pour des projets en groupe ; ce ne sont pas des prix uniquement pour ma personne”, sourit-il. Il n’empêche que si le Fooding a entendu, compris et primé ses adresses de manière réitérée, c’est que Florent Ciccoli et sa bande ont contribué à réinventer le café populaire. “Aujourd’hui, quand un troquet ouvre, il a une exigence sur la qualité de la boisson et de la nourriture, et c’est un peu, aussi, grâce à nous : c’est là ma plus grande fierté dans ce métier...”. On l’aura compris : il faut imaginer Florent Ciccoli heureux, fatigué mais heureux, lorsqu’il quitte le comptoir pour rentrer chez lui le soir, à vélo bien sûr.
Aïtor Alfonso
Crédit photo : Puxan Photo
Café du Coin
Ouvert tous les jours, déjeuner et dîner
9, rue Camille Desmoulins
75011 Paris
+33 (0)1 48 04 82 46
https://www.instagram.com/cafe_du_coin/
Jones
Ouvert du jeudi au lundi, au dîner uniquement
43, rue Godefroy Cavaignac
75011 Paris
+33 (0)9 80 75 32 08
http://www.jonescaferestaurant.com
Cheval d’Or
Ouvert du mercredi au dimanche, au dîner uniquement
21, rue de la Villette
75019 Paris
+33 (0)9 54 12 21 77
https://chevaldorparis.com
* Cheval d'Or est partenaire d’American Express et membre de la Dining Collection. L’ambition de ce programme : faciliter l’accès aux meilleurs restaurants contemporains au travers de tables exclusivement pré-réservées à l’attention des porteurs de Cartes Premium American Express.