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HISTOIRES DE GOÛT
MoSuke, nouvelle ère :
quand Mory Sacko voit les choses en grand
Novembre 2023
Depuis son ouverture très remarquée, à l’automne 2020, MoSuke est devenue l’une des tables les plus prisées de la capitale. Dans une petite rue calme du quartier Montparnasse, derrière une devanture épurée, Mory Sacko séduit les gastronomes avec sa cuisine technique, sensible et personnelle. Début juin, après quelques semaines de travaux, MoSuke a fait peau neuve. Dans ce nouvel écrin, plus intimiste, les inspirations et les références culturelles du chef s’expriment autant sur les murs que dans l’assiette. Passons à table avec le chef pour tenter de comprendre les mutations à l’œuvre.
En poussant la porte du nouveau MoSuke, on entre dans une atmosphère douce et enveloppante. Une ouverture dans le mur offre une vue directe sur les cuisines qui, depuis les travaux, ont quasiment doublé de volume. "Ma première intention était d’agrandir notre espace de travail qui, jusqu’alors, tenait dans un petit couloir étroit. J’ai voulu transformer le lieu pour qu’il soit davantage en phase avec ce que ma cuisine est en train de devenir”, explique le jeune chef, auréolé d’une étoile au Guide Michelin en 2021. L’occasion, avant de passer à table, de plonger le regard dans la chorégraphie du service et d’écouter la mélodie des casseroles.
Dans la salle, le long du mur, côté cour, la lumière du jour tombe sur des tables de bois vernis. À l’opposé : un salon feutré, habillé de banquettes et de fauteuils en velours de mohair d’un vert profond. ”Pour repenser la décoration, on a collaboré avec Friedmann & Versace, un duo d’architectes d’intérieur dont j’apprécie énormément le travail, précise le chef. Ensemble, on voulait imaginer un lieu chaleureux qui puisse refléter une partie de mes influences et inspirations.”
Chez MoSuke, les éléments de décor sont en effet autant de clins d’œil à l’héritage culturel du chef, comme cette forêt d’acacias peinte sur le mur du vestibule, en hommage aux paysages du Mali, pays d’origine de ses parents. Ou ces tasseaux en bois sculpté faisant écho à des motifs tribaux africains. Des stores de bambou ajoutent une note japonisante car la culture nippone passionne le chef. Seul rescapé de l’ancien décor, un tronc d’arbre en plâtre blanc trône au centre de la salle : ”En Afrique de l’Ouest, nous confie le chef, il y a toujours un arbre au milieu du village : c’est là où tout le monde se retrouve et où les conteurs viennent partager leurs histoires.”
Cette triple influence – Afrique de l’ouest, France, Japon –, Mory Sacko l’exprime aussi dans l’assiette. Ainsi, ce jour-là, le menu du déjeuner « Migration », proposé en six étapes, nous fait voyager sur trois continents. D’abord, le chef nous emmène au pays du soleil levant avec un Onsen Tamago, du nom de l’œuf parfait japonais à la texture suave, accompagné d’un bouillon dashi à base d’algues et de grattons de ris de veau croustillants. Vient ensuite la « Soupe Pépé », hommage à la gastronomie traditionnelle camerounaise : dans un bol en forme de pavé, repose un bouillon de poisson relevé à l’huile de piment doux fumé. À sa surface flotte une tuile aux épices en forme de poisson que l’on vient grignoter du bout des doigts. Dans les profondeurs du bouillon, on fait la découverte d’un assemblage explosif : quelques têtes de gombo (un légume africain à la texture gluante et au goût proche de l’aubergine) farcies au poisson et au piment, associées à des moules, du rouget et du maquereau.
En dessert, deux assiettes aux goûts tranchés se font écho. D’un côté, une part de tarte au chocolat de Tanzanie ciselée. De l’autre, une glace au wasabi enveloppée d’un généreux praliné au chocolat, juchée sur une petite montagne de grué de cacao.
Pour parler de sa cuisine, le chef évoque l’idée d’un « terroir mental ». Comme une somme d’influences culinaires, constitutives de son identité, dans lesquelles il vient piocher au moment d’imaginer un plat : ”l'idée c'est vraiment d'avoir une liberté de création totale, de pouvoir travailler tous les produits de mon répertoire, et à la fin, de réussir à faire cohabiter plusieurs mondes, le plus naturellement possible.”
Mory Sacko est un chef qui grandit à vue d'œil, à l’image de son restaurant. Comme il l’écrit dans le petit texte introductif en forme de profession de foi que l'on peut lire à la deuxième page de sa carte : « La chance sourit aux audacieux ». On lui prédit le meilleur car ce cuisinier français - qui vient de faire la couverture du prestigieux magazine américain Time - a de l’audace à revendre.
Léo Bourdin
MoSuke
Ouvert du lundi au vendredi, déjeuner et dîner
11, rue Raymond Losserand 75014 Paris
(+)33 (0)1 43 20 21 39
Crédit photo : Olivier Toggwiler (Bureau Tonic Studio)
* Au sein du restaurant MoSuke, les porteurs de Cartes American Express Platinum et Centurion ont accès à des tables pré-réservées, et ce jusqu’en dernière minute.