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BOUILLON DE CULTURE
Dix marqueurs qui font
(et feront) la bistronomie
Novembre 2021
BOUILLON DE CULTURE
Dix marqueurs qui font (et feront)
la bistronomie
Remettre le plaisir au centre de la table : telle est l’ambition de la bistronomie depuis plus de vingt ans. Contraction de “bistrot” et de “gastronomie”, le terme, forgé par le journaliste Sébastien Demorand, est entré dans le dictionnaire depuis. Plus qu’un simple mot-valise, il désigne une tendance de fond qui a révolutionné les manières de bouche : dès la fin des années 1990, quelques précurseurs ont en effet donné ses lettres de noblesse à une cuisine de bistrot simple et goûteuse, loin de la pompe des grands établissements étoilés. Avant qu’une jeune génération de cuisiniers ne sublime ces nouveaux codes dans une gastronomie hautement contemporaine. Tour d’horizon des 10 marqueurs qui font la bistronomie.
Décors décontractés
Libérer la bistronomie de son corset impliquait de faire tomber la nappe blanche, ce symbole qui incarnait le cérémonial intimidant du grand restaurant. Avec la bistronomie, le décor gagne en décontraction. Les assiettes sont posées sur le plateau de marbre ou le bois directement car tout se joue à fleur de table. Le comptoir devient même une place privilégiée ! Cette détente générale s’observe également dans l’espace : cloisons nues, parquet de bois blond ou luminaires industriels deviennent des signes distinctifs.
Service sans raideur, dress-code casual
De même que les grandes brigades disparaissent dans la bistronomie au profit d’équipes de “noyaux durs” en cuisine, le service en salle se limite à quelques personnes, débarrassées des uniformes. Cette image du serveur en tenue casual est devenue un cliché de la bistronomie qui aura néanmoins contribué à dédramatiser l’étiquette du repas au restaurant. Et le client lui aussi suit ce code vestimentaire décomplexé : on vient dîner dans ces adresses, habillé en jean, t-shirt et baskets car, à notre époque, le restaurant est devenu le prolongement de la vie courante.
Produits simples
Simplicité, lisibilité, sapidité sont les maîtres-mots du phénomène bistronomique. Les précurseurs du mouvement ont remis au goût du jour des classiques populaires, que ce soit Christian Constant avec son magistral cordon bleu ou Yves Camdeborde et son régal de poireau-vinaigrette à l'œuf mimosa. Une génération plus tard, leurs continuateurs ont élevé ces codes jusqu’au sommet de la modernité : on pense à Franck Baranger (La Pantruchoise) et ses fameux filets de maquereau rôtis aux deux choux ou encore à Christophe Saintagne (Papillon*) et son iconique porc noir aux coquillages et algues. Ces chefs prennent le parti d’une cuisine de produits, bien sourcée et de saison : aux denrées de luxe, ils préfèrent abats sous-cotés, légumes oubliés, poissons mal-aimés ou herbes méconnues.
Techniques soignées
Plusieurs grandes figures de la bistronomie des origines sont passées par de très grandes maisons - au premier rang desquelles les restaurants de palaces - avant de s’en écarter au profit du bistrot, plus ouvert et moins contraignant : c’est le cas de Ghislaine Arabian, d’Yves Camdeborde et, plus récemment, de Christophe Saintagne. D’autres présentent des parcours tout à fait distincts : sans formation, ils ont appris sur le tas, tel Iñaki Aizpitarte au Chateaubriand. Quels que soient leurs parcours, tous ces cuisiniers sont des techniciens aguerris qui ont mis au service des produits un savoir-faire immense... car le bistrot aussi mérite un légume parfaitement cuit et un jus réduit avec précision.
Dressages contemporains
Loin des compositions chargées propres à une certaine cuisine gastronomique, les assiettes de la bistronomie sont majoritairement épurées et nettes. On y retrouve souvent trois éléments, efficacement agencés suivant une architecture claire et lisible qui permet de saisir au premier coup d'œil ce que l’on va déguster. Cette réduction des ingrédients va de pair avec un respect de l’intégrité du produit. L’objectif : éviter toute surtransformation.
Nouveaux formats d’assiette et de repas
Le menu dégustation au long cours et à l’aveugle subsiste dans la bistronomie mais il se raccourcit et se simplifie : c’est le repas “carte blanche”. On savoure des plats moins nombreux, à la palette d’ingrédients réduite, pour un ensemble plus digeste. L’autre option qui s’impose, ce sont les assiettes dites à partager mimant le service convivial du mezze libanais. Dernier marqueur fort au déjeuner : la formule entrée-plat-dessert constitue un produit d’appel peu onéreux dont le contenu change quotidiennement en fonction des arrivages.
Valeurs de partages
Si l'œuf-mayonnaise, le tartare de chinchard ou la joue de bœuf reviennent sur le devant la scène, c’est que les cuisiniers souhaitent montrer que ce sont aussi de grands plats. Le répertoire du bistrot retrouve son lustre et s’impose comme un pan non négligeable de la cuisine française. Loin de la chimisation de la cuisine moléculaire des années 1990 qui proposait des mets cérébraux voire énigmatiques, la bistronomie parle d’abord au cœur et au corps : la joie d’être à table passe avant toute chose !
Prix plus abordables
Décomplexer la cuisine, c’est aussi réduire les coûts qui chargent l’addition finale présentée au mangeur. Ce faisant, les tenants de la bistronomie affirment que le bonheur du coup de fourchette et la volupté de la commensalité ne sont pas réservés à une élite.
Vins naturels
Les grands crus classés ne sont plus à l’ordre du jour dans la bistronomie qui préfère les nouveaux vins, dits “naturels” car ils réduisent l’intervention mécanique ou chimique sur les jus de raisin. La priorité ? Le plaisir immédiat et sans entraves de boire un verre de vin sain, plutôt que la dégustation solennelle d’étiquettes de prestige - même s’il existe de très grands flacons dans la famille des vins naturels...
La bistronomie de demain
Comment la bistronomie évoluera-t-elle à l’avenir ? Les chefs qui la pratiquent seront sans doute plus préoccupés encore par les questions écologiques. Car ce mouvement culinaire, en dévoilant le principe de “circuit de production”, a contribué à mettre un nom sur les agriculteurs et éleveurs qui fournissent les matières premières en suivant les rythmes de la nature. Le manger moderne, c’est aussi la conscience accrue de ce que l’on consomme. Gageons que la bistronomie 2.0 misera sur davantage de légumes, de local, de saisonnalité, de bien-être au travail et sur une réduction du gaspillage, - sans rien perdre du plaisir !
Aïtor Alfonso
* Papillon est partenaire d’American Express et membre de la Dining Collection. L’ambition de ce programme : faciliter l’accès aux meilleurs restaurants contemporains au travers de tables exclusivement pré-réservées à l’attention des porteurs de Cartes Premium American Express.