La pandémie de COVID-19 a eu un profond impact sur le monde en général et le monde des affaires en particulier. Les restrictions gouvernementales, les défis en matière de santé et de sécurité ainsi qu’une vive incertitude économique ont mis à mal beaucoup d’entreprises. Pourtant, malgré les nombreux obstacles qu’elles ont dû relever, certaines organisations affichent une incroyable résilience et un optimisme à toute épreuve.
Pour discuter des moyens efficaces que les entreprises peuvent utiliser afin d’atténuer les risques inutiles, d’augmenter leur rentabilité et de développer leurs affaires en temps de crise, nous avons créé, en collaboration avec Financial Executives International Canada (FEI Canada), un webinaire présentant une discussion approfondie en compagnie du célèbre conférencier Sean Wise, professeur en entrepreneuriat et ex-conseiller de l’émission Dragons’ Den, et de Mohamad Fakih, philanthrope respecté et chef de la direction de Paramount Fine Foods. Mohamad Fakih a réussi à faire de Paramount Fine Foods, auparavant un restaurant au bord de la faillite, l’une des chaînes de restauration halal du Moyen-Orient affichant la croissance la plus rapide en Amérique du Nord. Entrepreneur dans l’âme depuis l’âge de 13 ans, Sean Wise évolue dans le secteur du capital de risque depuis une quinzaine d’années.
Le 23 juin, notre hôte Peter Barnett, directeur, Ventes – Grandes entreprises pour le Canada chez American Express Canada, s’est entretenu avec MM. Fakih et Wise sur leur philosophie d’affaires unique et leurs stratégies d’optimisation des flux de trésorerie, ainsi qu’au sujet des mesures que les entreprises devraient prendre et des réflexions qu’elles devraient avoir pour réussir à prendre de l’expansion.
Peter a amorcé le webinaire en mentionnant quelques-unes des précieuses informations tirées de notre récente étude mondiale sur les dépenses interentreprises, en notant que près des trois quarts des propriétaires d’entreprise interrogés étaient optimismes quant aux perspectives commerciales pour les quatre prochains trimestres. Cependant, les revenus n’étant plus aussi stables et prévisibles qu’auparavant, les entreprises ont également dû examiner d’un œil plus critique leurs dépenses et la gestion de leurs liquidités. En effet, pour assurer la prospérité d’une entreprise, il est crucial d’en comprendre les flux de trésorerie et de faire en sorte que ceux-ci demeurent positifs. Une trésorerie solide permet non seulement de payer les dépenses, mais aussi de réinvestir dans l’entreprise et d’assurer sa croissance.
PB : Quelle est votre philosophie d’affaires et comment vous a-t-elle aidés à réussir dans vos activités commerciales?
MF : Au bout du compte, faire des affaires c’est obtenir des résultats. Bien sûr, il faut gérer rigoureusement vos dépenses d’exploitation et l’exécution de votre plan d’affaires. Il faut mesurer pour gérer, mais pour parvenir à une croissance réelle, il faut bien plus que cela. Il y a différentes façons de faire des profits quand on a une entreprise. Certains réduisent leurs coûts, d’autres se concentrent sur des mesures à court terme. Pour ma part, je crois qu’il existe une approche meilleure et plus durable. Je me concentre sur trois choses : les personnes, la planète et la raison d’être.
Je parlerai un peu plus des personnes tout à l’heure. Beaucoup disent que les clients doivent toujours avoir la priorité. Mais pour un chef de la direction, ce n’est pas le cas : ce sont les employés qui doivent être sa priorité. C’est notre travail de prendre soin d’eux pour qu’ils soient heureux, souriants, dynamiques et engagés. Et de veiller à ce qu’ils aient ce dont ils ont besoin pour pouvoir se concentrer sur les clients. Je rappelle toujours à mes employés combien ils sont importants pour l’entreprise. Même avec toute la technologie du monde, vous aurez toujours besoin de personnes.
SW : Je suis une « macropersonne ». Ma mère m’a enseigné que si quelque chose doit se passer, à moi d’y participer. Autrement dit, si vous voulez changer, vous devez faire partie du changement. Alors si vous voyez quelque chose qui ne vous plaît pas, et que beaucoup d’autres n’aiment pas ça non plus, c’est l’occasion pour vous de régler ce problème. Je pense que cette façon de penser traduit bien le rôle de l’entrepreneuriat. Les entrepreneurs repèrent les besoins non satisfaits.
Ma philosophie d’affaires du point de vue de l’investissement consiste à choisir les projets en fonction du segment de clientèle ou de la communauté dont je fais partie et de ce que je connais à leur sujet. J’ai fondé cinq entreprises pendant ma vie et réalisé seulement deux sorties de plusieurs millions de dollars, mais dans chaque cas j’avais voulu trouver des solutions à mes problèmes.
Toutes les entreprises dans lesquelles j’ai investi ont des problèmes de liquidités en raison de la pandémie. Pour aborder ces problèmes, nous devons tenter de trouver les possibilités de changement. La pandémie a prouvé que nous étions bien plus résilients que ce que nous pensions. Dans quelques mois, nous allons célébrer et nous faire de nouveau l’accolade. Cependant, nous ne sortirons vainqueurs de cette pandémie que si nous en avons profité pour nous doter de stratégies et d’une raison d’être. Si ce n’est pas le cas, nous ne serons pas appuyés par nos employés ou par notre communauté. En fin de compte, si votre entreprise a une raison d’être, votre personnel sera plus engagé et votre communauté vous épaulera.
PB : Cela m’amène à ma prochaine question, qui concerne la crise et l’incertitude économique qu’elle a provoquée au Canada et ailleurs dans le monde, et sur son impact sur vos affaires. Sean, voyez-vous des occasions pour vos entreprises? Et comment la pandémie a-t-elle offert des occasions de renforcer la trésorerie et le fonds de roulement?
SW : Au cours des 18 derniers mois, j’ai été en mesure d’échanger régulièrement avec quelque vingt entreprises de notre portefeuille. Et toutes signalaient la même situation : une croissance plus faible des revenus qui pourrait rapidement leur nuire. La deuxième difficulté vécue par beaucoup d’entre elles c’est que le changement prenait le pas sur les prévisions. C’est très utile d’être capable de savoir où va l’argent et d’où il arrive, mais on ne peut faire ces prévisions que si les choses sont stables. Je pense que beaucoup de gens ont paniqué quand la pandémie a frappé.
Selon moi, la plupart ont tout naturellement essayé de réduire les coûts en négociant et en faisant des compromis. Ils ont essayé de conserver tout leur personnel parce que remplacer des employés est trop coûteux et que leur départ affaiblit les connaissances, la culture et la cohésion de l’entreprise. On préférera donc sabrer dans le budget publicitaire, par exemple. L’autre chose qui s’est produite pendant cette pandémie, c’est qu’une poignée de dirigeants, dont mon collègue Mohamad ici présent, ont saisi l’occasion de combler des lacunes. Lors d’une crise mondiale, les grandes entreprises Fortune 500 se retirent généralement des secteurs qui ne sont pas avantageux pour elles. Elles délaissent ces activités parallèles, qui sont alors elles-mêmes des occasions d’affaires.
PB : Mohamad, que pensez-vous de cette crise et quelle incidence a-t-elle eue sur votre entreprise?
MF : Nos ventes mensuelles sont passées de 5 millions de dollars à 280 000 $. Ce que nous avons fait? Je n’oublierai jamais la première réunion avec mon équipe quand nous avons discuté de cette situation. Je leur ai demandé d’y réfléchir et de me revenir avec une solution. Quand on s’attelle à ce travail, la première chose à faire est de sauver l’entreprise.
La pandémie a mis à rude épreuve la mission de chaque entreprise, mais aussi leur culture. Au Canada, nous avons besoin de plus de chefs de la direction qui parlent de la mission noble qu’ils poursuivent et de l’importance de la culture d’entreprise. C’est le temps d’investir dans votre entreprise et dans vos employés. En tant que chef de la direction, leader et actionnaire, vous devez garder à l’esprit votre mission. Si vous perdez votre essence même, personne ne voudra travailler avec vous et les clients ne vous appuieront pas. Alors nous avons agi en conséquence. J’ai dit à mes employés que nous n’allions licencier personne et que nous allions bâtir une nouvelle entreprise. Et nous avons créé une nouvelle marque indépendante.
PB : Que peuvent faire les entreprises pour prendre en compte les difficultés imprévues et mieux se préparer à les affronter et à atténuer ces risques?
SW : Je pense que c’est un aspect pour lequel la technologie peut aider. Il y a deux volets à considérer : la visibilité et l’atténuation. Par visibilité j’entends le fait d’avoir suffisamment de renseignements : qui, où, quand et pourquoi. Est-ce que j’ai assez d’informations sur mes rentrées et mes sorties de fonds? De nos jours, les gens ont accès à des données beaucoup plus riches qui permettent de préparer une stratégie d’atténuation. Bien sûr, il y aura toujours des imprévus, mais vous devez vous protéger contre ce qui est prévisible, ces événements qui s’en viennent.
Alors que nous reprenons le travail et que nous influençons nos gouvernements afin de faciliter la relance économique, il est important selon moi de ne pas nous contenter de revenir au point où nous en étions avant tout ceci. Il est important que nous nous retrouvions là où nous devons être. Vous devez réfléchir à ce que sera la situation de votre entreprise dans un an. Par exemple, si vous voyagez par affaires, vous recommencerez vos déplacements un jour ou l’autre, mais voyagerez-vous différemment? Je pense que beaucoup de gens sont prêts à retourner au travail et que nous allons voir des changements très ingénieux et très ciblés.
PB : Mohamad, faites-vous certaines choses différemment sur le plan stratégique pour vous préparer à une crise imprévue?
MF : J’ai continué d’avancer et de regarder vers l’avenir. C’est important de ne pas s’enliser dans le passé. Lorsqu’on prend un virage, il ne faut pas perdre de vue ce qui avait poussé les gens à investir dans votre entreprise à ses débuts. Tout ce que vous faites doit être conforme à votre mission noble et aux raisons pour lesquelles les gens et la communauté croient en votre entreprise.
La pandémie n’a pas changé la culture ni la mission de notre entreprise, mais elle nous a vraiment obligés à aller plus vite. Depuis 2020, nous avons lancé trois marques, soit un restaurant de poulet frit, une pizzeria, ainsi qu’une entente avec Rabba. La technologie nous a aidés à améliorer notre efficacité et à nous concentrer sur ce qui compte. Elle m’a aidé à gérer mes flux de trésorerie et les paiements à mes fournisseurs. Mais il est important de se rappeler que les fournisseurs sont aussi des partenaires. Vous devriez pouvoir vous appuyer sur eux comme ils s’appuient sur vous.
PB : Mohamad, avez-vous une question pour Sean? Et Sean, avez-vous une question pour Mohamad? Est-ce qu’il y a quelque chose dont vous aimeriez discuter?
SW : Certains craignent qu’en voulant sauver tout le monde on ne sauve personne. Autrement dit, quand on essaie d’empêcher tout le monde de se noyer, c’est le bateau qui finit par sombrer. Comment faites-vous accepter à votre équipe de direction que sauver tout le monde ne met pas tout le monde en péril?
MF : En laissant ma porte ouverte et en étant transparent au sujet de nos problèmes de liquidités avec tout le monde dans l’entreprise ainsi qu’avec l’équipe de direction. Des personnes m’ont demandé de travailler quatre jours par semaine et de réduire leur salaire de 30 %. Ils s’adressaient à moi. Ils venaient me voir, car c’est la culture que nous avons créée. J’ai également décidé de cesser de percevoir les redevances des franchisés. Je n’ai rien à gagner à me mettre 500 000 $ de plus dans les poches si mes employés sont si stressés qu’ils ne peuvent plus dormir. L’argent n’a jamais été mon but. Ma définition du succès c’est d’être heureux, d’avoir un but, de laisser un héritage et d’être un modèle pour les jeunes. Mon message à tout le monde c’est que si vous demeurez accessible à vos employés et que vous investissez dans votre équipe, ils vous aideront en retour et vous apporteront des solutions.
PB : Mohamad, avez-vous une question pour Sean?
MF : Sean, vous êtes-vous toujours vu comme quelqu’un possédant 20 entreprises? Qu’est-ce que vous voyiez? Qu’est-ce que vous ressentiez?
SW : C’est une excellente question! Mes parents sont tous les deux entrepreneurs et nous avions peu de moyens. J’ai lancé ma première entreprise quand j’ai été congédié de McDonald’s et que mes parents m’ont dit d’arrêter de me plaindre et d’agir à la place. Après avoir fait cela, j’ai réalisé non seulement que j’étais ingérable, mais aussi que travailler pour quelqu’un d’autre n’était pas mon style. J’ai donc commencé très tôt puis, quand j’ai compris combien il était difficile de réussir en affaires, j’ai voulu diversifier mes risques. Il y aura toujours des gens qui sont aux prises avec les difficultés que j’ai vécues et je peux donc les aider à progresser un peu plus vite et un peu mieux. Est-ce que je me voyais en train d’enseigner à l’université? Non, mais j’ai toujours espéré pouvoir un jour aider le plus de gens possible et ma façon de le faire c’est en créant des entreprises. Et j’ai eu la chance de vivre dans un pays où il existe une foule de possibilités pour ceux qui ont la volonté et la détermination de faire les efforts nécessaires.
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